La qualité empêchée : le sentiment de ne pas pouvoir faire un travail de qualité et même de faire du sale boulot et qui conduit inéluctablement à la perte de sens, au sentiment d’inutilité, au conflit de valeurs, à la souffrance éthique, à la démotivation, à l’épuisement.
Etonnant quand on pense qu’il n’y à jamais eu autant de process, procédures , certifications diverses et variées pour nous donner l’illusion de toujours plus de qualité et de maîtrise.
Et pourtant tous les jours au cabinet c’est ce que j’entends comme élément récurrent dans les situations de souffrance au travail.
Quelles pistes pour avancer ? Et si nous commencions par (r)établir au sein des entreprises un dialogue de fond, régulier, vivant et dynamique pour pouvoir délibérer collectivement sur ce qui fonde réellement la qualité du travail et sur les difficultés rencontrées afin de trouver ensemble des solutions issues du terrain, et non pas issues des technocrates avec une xième fiche process !
Il est essentiel de saisir que le travail réel ne peut pas se résumer à des procédures et modes opératoires, les ergonomes nous expliquent que le travail réel ne se passe jamais comme écrit dans les procédures. Pour que le travaille se fasse il faut que les opérationnels terrain s’approprie la procédure, l’ajuste, la remanie, l’enrichisse, ils y mettent quelque chose d’eux. Le travail réel n’est pas le travail prescrit! Le travail réel engage et mobilise l’intelligence de celui qui fait le travail. Il le met à l’épreuve, il le confronte à des difficultés inédites, il le stimule et le réjouit quand il permet de se dépasser. Le travail réel est par essence invisible, c’est de ce travail réel qu’il faut pouvoir délibérer en entreprise.
Soulignons à ce sujet le rôle essentiel des managers de proximité dans la délibération sur le travail et l’importance qu’ils puissent avoir des marges de manœuvre pour effectivement adapter les objectifs et les moyens de leur réalisation aux réalités des opérationnels. Délibérer sur le travail implique un management par le dialogue, qui laisse place aux controverses et aux désaccords, c’est le gage de la vitalité et de l’innovation au sein des entreprises. C’est également le gage de la santé et du bien-être au travail.
Débattre ne veut bien entendu pas dire que l’on sera d’accord sur tout, et effectivement le pouvoir de l’arbitrage et de la décision finale continuera de relever du dirigeant d’entreprise. Il est nécessaire qu’il y ait un pilote à bord! Mais se priver du débat c’est se priver de toute la richesse de ceux qui font, ceux qui ont l’expérience acquise en faisant le métier, c’est passé à côté de leurs retours d’expériences, et c’est les priver de la reconnaissance en les assignant à un simple rôle d’exécutant. Or la reconnaissance est également un facteur clé de la santé au travail et de la performance.
Je trouve cela navrant de recevoir au cabinet des professionnels engagés et consciencieux qui tombent malades d’être empêchés de faire un travail qu’ils estiment être de qualité, ou qui ont le sentiment de toujours devoir batailler contre leur organisation de travail pour faire correctement le boulot et qui essaient de tenir coûte que coûte pour essayer de donner encore du sens à ce qu’ils font. Cette force vive qui échappe aux entreprises est un véritable gâchis.
Débattre en entreprise s’apprend, cela ne va pas nécessairement de soi, ni pour les équipes opérationnels, ni pour les managers de proximité, ni pour les cadres dirigeants. Au besoin faites vous accompagner sur ce sujet par des experts extérieurs à l’entreprise, le psychologue du travail peut-être un partenaire de votre performance et un allié du changement.
Karine Boquého

