Nom de l’auteur/autrice :karineboqueho-psychologue.fr

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LA SANTÉ MENTALE DES PROFESSIONNELS DU SECTEUR MÉDICO-SOCIAL : UN SUJET SOUVENT TABOU

Voici quelques jours j’animais un webinaire pour la très utile association SPS – l’institut pour la santé des soignants sur le thème « prendre soin de sa santé en tant que (futur) soignant – trouver son juste équilibre vie pro/vie perso ». Force est de constater que malheureusement la santé des professionnels du secteur médico-social et des métiers de l’accompagnement plus largement (enseignants, conseillers d’insertion professionnels, AESH…) se dégrade de façon alarmante depuis quelques années. Je vois ainsi arriver de plus en plus fréquemment dans mes consultations de souffrance au travail des médecins, des infirmiers,des ambulanciers, des éducateurs, des enseignants, qui sont au bout du rouleau. Ils sont épuisés, perdus et honteux de ne plus réussir à faire face aux multiples pressions auxquelles leurs métiers les exposent. Les facteurs de risques sont multiples dans ces métiers : La surcharge, le rythme pressurisé, l’intensification des tâches. J’entends ces soignants qui me disent : « j’ai de plus en plus souvent l’impression de travailler à la chaîne », « je cours toute la journée », « je n’ai pas eu le temps d’aller fairepipi pendant ma garde ». Le travail en procédures dégradées loin de son éthique professionnelle ce qui induit souffrance éthique et perte de sens. L’exposition constante à la souffrance des usagers. Quand on fait ces métiers, on entend, on voit, on accueille des choses vraiment moches. On ne sort pas indemne de tout cela (traumatisme vicariant). L’exposition fréquente aux violences verbales, voir physique. L’Ordre national des infirmiers a ainsi réalisé en 2023 une enquête auprès de 31000 infirmiers. Les résultats sont consternants : 2/3 d’entre eux déclarent avoir été victimes d’agressions verbales, et 40% déclarent avoir déjà reçu des coups. Et du côté des travailleurs sociaux ou des enseignants, ce n’est pas plus rassurants. Certains me disent leur « peur au ventre » face à des enfants qui désormais ont des couteaux sur eux. Le turnover et la fragilisation du travail d’équipe; la solitude. La culture du milieu professionnel qui pousse ces professionnels à en faire toujours plus et à s’oublier, voir se sacrifier pour les besoins du service. Là aussi j’entends la voix de certains patients internes en médecine qui me racontent qu’ils ont pu dormir 10 minutes sur le sol ou qu’ils ont fait une semaine de 82h ! Naturellement dotés d’empathie et habitués à être tournés vers les autres ces professionnels s’oublient, se déconnectent progressivement d’eux, de leurs besoins et désirs fondamentaux et ne prennent pas soin d’eux. C’est bien connu, les cordonniers sont les plus mal chaussés… Lors du webinaire que j’animais, je leur ai posé deux questions : Comment allez-vous vraiment ? Et avez-vous le sentiment d’être globalement à l’équilibre entre votre vie perso et votre vie pro ?Enfin je leur ai rappelé cette définition de l’OMS sur ce qu’est la santé : « La santé est un état de complet bien être physique, mental et social, et ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d’infirmité. Sans surprise hélas, ils sont plusieurs à m’avoir confirmé ne pas aller bien et ne pas se sentir à l’équilibre. Ils évoquaient le manque de temps pour tout simplement se reposer, se poser et faire des choses qu’ils aiment en dehors du travail et avec les gens qu’ils aiment. Ils évoquaient aussi leurs conditions de travail, le sentiment de faire du sale boulot faute de moyens suffisants, la pression, le manque de reconnaissance.Nous avons aussi évoqué leurs difficultés à se protéger, à dire non, à poser des limites, se considérer, s’entendre dans leurs besoins. Difficiles pour eux parfois de s’autoriser à dire non sans culpabilité. Alors oui, il est grand temps de parler de la santé mentale des professionnels du care, du secteur médico-social car eux aussi ont besoin que notre société et les pouvoirs publiques prennent soin d’eux. Karine Boquého 

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LES RISQUES PSYCHOSOCIAUX : DÉFINITION, CONSÉQUENCES, PRINCIPAUX FACTEURS DE RISQUES

Les risques psychosociaux sont plurifactoriels et recoupent donc une multitude de causes et origines. Ils sont AU CROISEMENT entre l’organisation du travail avec ses spécificités et ses dysfonctionnements ET le vécu de l’individu porteur de sa propre subjectivité et de ses attentes vis-à-vis de son travail. Les risques psychosociaux ont pour conséquences de : Menacer l’intégrité physique et la santé psychique des salariés : troubles musculosquelettiques (TMS), maladies cardiovasculaires, burnout, dépression, accident sur le lieu de travail ou de trajet, addictions, … Nuire au bon fonctionnement de l’entreprise en générant : turnover, absentéisme, conflits récurrents, sabotage de la qualité, problématiques disciplinaires, conduites à risque, détérioration du climat social et des coopérations, dégradation de l’image de marque de l’entreprise … Les principaux facteurs de risques : Les exigences du travail et son organisation : surcharge de travail (se traduisant notamment par une intensification répétée et durable des horaires, la réalisation de tâches ou la connexion aux mails hors temps de travail, le surinvestissement de la vie professionnelle au détriment de l’équilibre de vie personnel), manque d’autonomie et de marge de manœuvre dans l’exécution de sa tâche, contraintes excessives en matière de qualité et de délais, interruptions fréquentes dans la réalisation de la tâche … Les relations humaines fonctionnant en mode dégradé et les problématiques managériales : en interne cela peut se traduire par les incohérences managériales (injonctions contradictoires, manque de clarté des objectifs et moyens ou objectifs surdimensionnés, absence de soutien en cas de difficulté), les conflits d’équipe (isolement, destruction des coopérations et solidarités, agressivité), le sentiment d’une absence de reconnaissance par ses paires et ses managers, le ressenti d’une injustice organisationnelle… En externe cela peut concerner le fait de vivre des violences allant des incivilités aux agressions verbales ou physiques du public ou des clients. La perte de sens, les conflits de valeurs, la qualité empêchée : sentiment de faire un travail inutile ou un sale boulot, absence d’espaces de concertations avec ses collègues et un manager de proximité, impossibilité à pouvoir échanger sur les difficultés rencontrées, conflits d’éthique, absence de reconnaissance, insuffisance des moyens mis à disposition pour faire le travail correctement, défaut de formation … Les changements du travail : insécurité socio-économique, précarité du contrat de travail, peur des licenciements, turnover, restructurations, nouvelles technologies, modifications des procédures sans concertation avec les équipes terrain ou avec une insuffisance de formation, changements répétés sans réelle pause et temps d’appropriation … Karine Boquého 

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RISQUES PSYCHOSOCIAUX – LES ENNEMIS DE LA SANTÉ ET DE LA PERFORMANCE AU TRAVAIL

La qualité empêchée : le sentiment de ne pas pouvoir faire un travail de qualité et même de faire du sale boulot et qui conduit inéluctablement à la perte de sens, au sentiment d’inutilité, au conflit de valeurs, à la souffrance éthique, à la démotivation, à l’épuisement. Etonnant quand on pense qu’il n’y à jamais eu autant de process, procédures , certifications diverses et variées pour nous donner l’illusion de toujours plus de qualité et de maîtrise. Et pourtant tous les jours au cabinet c’est ce que j’entends comme élément récurrent dans les situations de souffrance au travail. Quelles pistes pour avancer ? Et si nous commencions par (r)établir au sein des entreprises un dialogue de fond, régulier, vivant et dynamique pour pouvoir délibérer collectivement sur ce qui fonde réellement la qualité du travail et sur les difficultés rencontrées afin de trouver ensemble des solutions issues du terrain, et non pas issues des technocrates avec une xième fiche process ! Il est essentiel de saisir que le travail réel ne peut pas se résumer à des procédures et modes opératoires, les ergonomes nous expliquent que le travail réel ne se passe jamais comme écrit dans les procédures. Pour que le travaille se fasse il faut que les opérationnels terrain s’approprie la procédure, l’ajuste, la remanie, l’enrichisse, ils y mettent quelque chose d’eux. Le travail réel n’est pas le travail prescrit! Le travail réel engage et mobilise l’intelligence de celui qui fait le travail. Il le met à l’épreuve, il le confronte à des difficultés inédites, il le stimule et le réjouit quand il permet de se dépasser. Le travail réel est par essence invisible, c’est de ce travail réel qu’il faut pouvoir délibérer en entreprise. Soulignons à ce sujet le rôle essentiel des managers de proximité dans la délibération sur le travail et l’importance qu’ils puissent avoir des marges de manœuvre pour effectivement adapter les objectifs et les moyens de leur réalisation aux réalités des opérationnels. Délibérer sur le travail implique un management par le dialogue, qui laisse place aux controverses et aux désaccords, c’est le gage de la vitalité et de l’innovation au sein des entreprises. C’est également le gage de la santé et du bien-être au travail. Débattre ne veut bien entendu pas dire que l’on sera d’accord sur tout, et effectivement le pouvoir de l’arbitrage et de la décision finale continuera de relever du dirigeant d’entreprise. Il est nécessaire qu’il y ait un pilote à bord! Mais se priver du débat c’est se priver de toute la richesse de ceux qui font, ceux qui ont l’expérience acquise en faisant le métier, c’est passé à côté de leurs retours d’expériences, et c’est les priver de la reconnaissance en les assignant à un simple rôle d’exécutant. Or la reconnaissance est également un facteur clé de la santé au travail et de la performance. Je trouve cela navrant de recevoir au cabinet des professionnels engagés et consciencieux qui tombent malades d’être empêchés de faire un travail qu’ils estiment être de qualité, ou qui ont le sentiment de toujours devoir batailler contre leur organisation de travail pour faire correctement le boulot et qui essaient de tenir coûte que coûte pour essayer de donner encore du sens à ce qu’ils font. Cette force vive qui échappe aux entreprises est un véritable gâchis. Débattre en entreprise s’apprend, cela ne va pas nécessairement de soi, ni pour les équipes opérationnels, ni pour les managers de proximité, ni pour les cadres dirigeants. Au besoin faites vous accompagner sur ce sujet par des experts extérieurs à l’entreprise, le psychologue du travail peut-être un partenaire de votre performance et un allié du changement. Karine Boquého

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