Voici quelques jours j’animais un webinaire pour la très utile association SPS – l’institut pour la santé des soignants sur le thème « prendre soin de sa santé en tant que (futur) soignant – trouver son juste équilibre vie pro/vie perso ». Force est de constater que malheureusement la santé des professionnels du secteur médico-social et des métiers de l’accompagnement plus largement (enseignants, conseillers d’insertion professionnels, AESH…) se dégrade de façon alarmante depuis quelques années. Je vois ainsi arriver de plus en plus fréquemment dans mes consultations de souffrance au travail des médecins, des infirmiers,
des ambulanciers, des éducateurs, des enseignants, qui sont au bout du rouleau. Ils sont épuisés, perdus et honteux de ne plus réussir à faire face aux multiples pressions auxquelles leurs métiers les exposent.
Les facteurs de risques sont multiples dans ces métiers :
- La surcharge, le rythme pressurisé, l’intensification des tâches. J’entends ces soignants qui me disent : « j’ai de plus en plus souvent l’impression de travailler à la chaîne », « je cours toute la journée », « je n’ai pas eu le temps d’aller faire
pipi pendant ma garde ».
- La surcharge, le rythme pressurisé, l’intensification des tâches. J’entends ces soignants qui me disent : « j’ai de plus en plus souvent l’impression de travailler à la chaîne », « je cours toute la journée », « je n’ai pas eu le temps d’aller faire
- Le travail en procédures dégradées loin de son éthique professionnelle ce qui induit souffrance éthique et perte de sens.
- L’exposition constante à la souffrance des usagers. Quand on fait ces métiers, on entend, on voit, on accueille des choses vraiment moches. On ne sort pas indemne de tout cela (traumatisme vicariant).
L’exposition fréquente aux violences verbales, voir physique. L’Ordre national des infirmiers a ainsi réalisé en 2023 une enquête auprès de 31000 infirmiers. Les résultats sont consternants : 2/3 d’entre eux déclarent avoir été victimes d’agressions verbales, et 40% déclarent avoir déjà reçu des coups. Et du côté des travailleurs sociaux ou des enseignants, ce n’est pas plus rassurants. Certains me disent leur « peur au ventre » face à des enfants qui désormais ont des couteaux sur eux.
- Le turnover et la fragilisation du travail d’équipe; la solitude.
- La culture du milieu professionnel qui pousse ces professionnels à en faire toujours plus et à s’oublier, voir se sacrifier pour les besoins du service. Là aussi j’entends la voix de certains patients internes en médecine qui me racontent qu’ils ont pu dormir 10 minutes sur le sol ou qu’ils ont fait une semaine de 82h !
Naturellement dotés d’empathie et habitués à être tournés vers les autres ces professionnels s’oublient, se déconnectent progressivement d’eux, de leurs besoins et désirs fondamentaux et ne prennent pas soin d’eux. C’est bien connu, les cordonniers sont les plus mal chaussés…
Lors du webinaire que j’animais, je leur ai posé deux questions : Comment allez-vous vraiment ? Et avez-vous le sentiment d’être globalement à l’équilibre entre votre vie perso et votre vie pro ?
Enfin je leur ai rappelé cette définition de l’OMS sur ce qu’est la santé : « La santé est un état de complet bien être physique, mental et social, et ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d’infirmité.
Sans surprise hélas, ils sont plusieurs à m’avoir confirmé ne pas aller bien et ne pas se sentir à l’équilibre. Ils évoquaient le manque de temps pour tout simplement se reposer, se poser et faire des choses qu’ils aiment en dehors du travail et avec les gens qu’ils aiment. Ils évoquaient aussi leurs conditions de travail, le sentiment de faire du sale boulot faute de moyens suffisants, la pression, le manque de reconnaissance.
Nous avons aussi évoqué leurs difficultés à se protéger, à dire non, à poser des limites, se considérer, s’entendre dans leurs besoins. Difficiles pour eux parfois de s’autoriser à dire non sans culpabilité.
Alors oui, il est grand temps de parler de la santé mentale des professionnels du care, du secteur médico-social car eux aussi ont besoin que notre société et les pouvoirs publiques prennent soin d’eux.
Karine Boquého

